Élections municipales colombiennes
Embouteillages sur la 10 avenue |
Dimanche, les
habitants de la capitale colombienne vont élire leur représentant municipal. Le
dernier maire est placé aux mains de la justice après avoir été noyé dans un scandale de
corruption lié au au système de transport.
Les 4 candidats en tête (Gustavo Petro, Enrique Peñalosa, Gina Parody et Carlos Galán), tentent de regagner la confiance des bogotanos avec de vraies promesses et ainsi mettre fin au chantier colossal qu'est devenue la capitale. Retour sur une mégapole où mobilité est synonyme de cauchemar.
Demandez à n’importe quel habitant de la capitale
colombienne ce qu’il pense de l’organisation de Bogotá ; la réponse, malgré quelques variantes, sera toujours la même : un
“chaos”, un “merdier”, une “atrocité”. Et
pour cause, le quotidien à Bogotá est synonyme d’invariables embouteillages, de
6 heures du matin jusqu’à 21 heures le soir, toute la semaine.
11 millions d’habitants, 1,5 million de véhicules
particuliers, 200.000 bus et taxis ; pas de métro, un système de transport en commun
archaïque, surchargé et lent ; la moitié des 15.000 km de voies urbaines en
mauvais ou très mauvais état ; et des travaux partout, inertes, latents,
retardés.
Un chantier colossal s’offre donc au prochain maire, qui sera élu ce
dimanche.
Casseroles et corruption
Le futur maire devra également se débarrasser des bruyantes
casseroles que traine la mairie de Bogotá depuis le mandat de Samuel Moreno
Rojas (2008 – 2011). Cet ancien maire – social-démocrate – est souillé par
l’un des plus importants scandales de corruption de ces dernières années.
Samuel Moreno Rojas (el espectador) |
Pour l’élaboration de la 3ème phase du TransMilenio (transport en commun de type "service rapide par bus"), Moreno a fait appel aux
frères Nule, dirigeants d’une entreprise de travaux publics. Mais, en juin 2010, suite à la diffusion d’un enregistrement par Radio Caracol, dans lequel le député libéral, Germán Olano et l’un des frères Nule mentionnent
clairement la saisie illégale de plus de 50% des fonds du projet à des fins
personnelles, une enquête est menée. L’enquête révèle que les frères Nule
se sont copieusement servis – aux alentours de 400 millions de dollars – et ont gracieusement arrosé de nombreux politiques, dont Samuel Moreno. Ce dernier est
destitué en septembre dernier et placé aux mains de la justice ; les
frères véreux, plusieurs député et sénateurs, dont Iván Moreno, frère du maire
déchu, sont coffrés. Les travaux du TransMilenio
prennent plus de trois ans de retard et provoquent de monstrueux bouchons
dans toute la capitale.
“Un système
exemplaire”
Enrique Peñalosa (http://www.holcimfoundation.org) |
Moreno n'est pas l’unique maire aux casseroles bruyantes.
Enrique Peñalosa – Partido Verde –
maire de Bogotá entre 1998 et 2000, en traine également quelques unes ;
mais à deux exceptions près, la justice ne l'a pas convoqué et il est candidat aux élections de dimanche : lors
de la construction de la première phase du TransMilenio,
dont il a été l’instigateur pendant son mandat, l’asphalte, matériau
normalement utilisé pour les couloirs de bus, est mystérieusement remplacé par
des dalles flottantes (matériau plus économique). 10 ans après, les losas
(dalles en français) de Peñalosa sur l’avenue Caracas, présentent de multiples fissures
et parfois des cavités de près de 30 cm de profondeur. Plus de 66 milliards de
pesos (25 millions d’euros) sont investis pour la réparation de 7.000 dalles
sur les 30.000 défectueuses.
Pour sa défense, Peñalosa relativise : “je suis très fier d’avoir créé le TransMilenio,
et malgré toutes les corrections à apporter, c’est un système exemplaire pour
la Colombie et pour le Monde”. Un
optimisme que ne partagent pas les usagés du TransMilenio.
“Lent” “bondé”
“inconfortable” “dangereux” les adjectifs ne manquent pas pour qualifier ce
“système exemplaire”. Tellement “exemplaire”, que les bogotanos qui ont les moyens financiers
privilégient le véhicule particulier ou le taxi, plutôt que de mettre un pied dans les stations de TransMilenio. Les autres devront bien
s’accrocher aux barres, car les nids de poules sont nombreux.
Les propositions
Peñalosa, soutenu par l’ancien président Alvaro Uribe,
suffoque 10 points derrière l’ancien candidat à la présidentielle, Gustavo
Petro. Petro, ancien député du Polo
Democrático Alternativo – parti du maire sortant – décide de fonder son
propre mouvement début 2011, le mouvement progressiste. Jeune et dynamique, il est depuis la présidentielle la figure centrale de l’opposition ;
une figure qui plait à Bogotá, ville ancrée à gauche depuis 1990.
Gustavo Petro (www.http://edunewscolombia.com) |
Ses propositions sur la mobilité séduisent l’électorat de la
capitale : construction d’un métro qui réduirait la ségrégation sociale et désenclaverait les quartiers marginaux ; des tarifs préférentiels pour les étudiants
et les familles défavorisées ; et une participation accrue des citoyens dans la mobilité.
Peñalosa, de son côté, martèle que la solution se trouve dans le TransMilenio et les pistes
cyclables.
Cependant, les propositions sur la sécurité (première
préoccupation des bogotanos) de
Peñalosa/Uribe, attirent l’électorat fatigué de la violence urbaine.
On aura
retenu qu’en Colombie les sondages ne sont pas une source fiable (ils
donnaient Mockus vainqueur de la présidentielle, alors que Santos sortit
gagnant haut la main).
Mais avant dimanche, les bogotanos
auront largement le temps de choisir leur candidat dans les interminables embouteillages du
vendredi soir.