vendredi 28 octobre 2011

(Im)mobilité à Bogotá : le futur maire face au chaos.


Élections municipales colombiennes

Embouteillages sur la 10 avenue

Dimanche, les habitants de la capitale colombienne vont élire leur représentant municipal. Le dernier maire est placé aux mains de la justice après avoir été noyé dans un scandale de corruption lié au au système de transport. Les 4 candidats en tête (Gustavo Petro, Enrique Peñalosa, Gina Parody et Carlos Galán), tentent de regagner la confiance des bogotanos avec de vraies promesses et ainsi mettre fin au chantier colossal qu'est devenue la capitale. Retour sur une mégapole où mobilité est synonyme de cauchemar.
Demandez à n’importe quel habitant de la capitale colombienne ce qu’il pense de l’organisation de Bogotá ; la réponse, malgré quelques variantes, sera toujours la même : un “chaos”, un “merdier”, une “atrocité”. Et pour cause, le quotidien à Bogotá est synonyme d’invariables embouteillages, de 6 heures du matin jusqu’à 21 heures le soir, toute la semaine.
11 millions d’habitants, 1,5 million de véhicules particuliers, 200.000 bus et taxis ; pas de métro, un système de transport en commun archaïque, surchargé et lent ; la moitié des 15.000 km de voies urbaines en mauvais ou très mauvais état ; et des travaux partout, inertes, latents, retardés.
Un chantier colossal s’offre donc au prochain maire, qui sera élu ce dimanche.

    Casseroles et corruption
Le futur maire devra également se débarrasser des bruyantes casseroles que traine la mairie de Bogotá depuis le mandat de Samuel Moreno Rojas (2008 – 2011). Cet ancien maire – social-démocrate – est souillé par l’un des plus importants scandales de corruption de ces dernières années.
Samuel Moreno Rojas (el espectador)
Pour l’élaboration de la 3ème phase du TransMilenio (transport en commun de type "service rapide par bus"), Moreno a fait appel aux frères Nule, dirigeants d’une entreprise de travaux publics. Mais, en juin 2010, suite à la diffusion d’un enregistrement par Radio Caracol, dans lequel le député libéral,  Germán Olano et l’un des frères Nule mentionnent clairement la saisie illégale de plus de 50% des fonds du projet à des fins personnelles, une enquête est menée. L’enquête révèle que les frères Nule se sont copieusement servis – aux alentours de 400 millions de dollars – et ont gracieusement arrosé de nombreux politiques, dont Samuel Moreno. Ce dernier est destitué en septembre dernier et placé aux mains de la justice ; les frères véreux, plusieurs député et sénateurs, dont Iván Moreno, frère du maire déchu, sont coffrés. Les travaux du TransMilenio prennent plus de trois ans de retard et provoquent de monstrueux bouchons dans toute la capitale. 

    “Un système exemplaire”
Enrique Peñalosa (http://www.holcimfoundation.org)
Moreno n'est pas l’unique maire aux casseroles bruyantes. Enrique Peñalosa – Partido Verde – maire de Bogotá entre 1998 et 2000, en traine également quelques unes ; mais à deux exceptions près, la justice ne l'a pas convoqué et il est candidat aux élections de dimanche : lors de la construction de la première phase du TransMilenio, dont il a été l’instigateur pendant son mandat, l’asphalte, matériau normalement utilisé pour les couloirs de bus, est mystérieusement remplacé par des dalles flottantes (matériau plus économique). 10 ans après, les losas (dalles en français) de Peñalosa sur l’avenue Caracas, présentent de multiples fissures et parfois des cavités de près de 30 cm de profondeur. Plus de 66 milliards de pesos (25 millions d’euros) sont investis pour la réparation de 7.000 dalles sur les 30.000 défectueuses.
Pour sa défense, Peñalosa relativise : “je suis très fier d’avoir créé le TransMilenio, et malgré toutes les corrections à apporter, c’est un système exemplaire pour la Colombie et pour le Monde”. Un optimisme que ne partagent pas les usagés du TransMilenio. 
“Lent” “bondé” “inconfortable” “dangereux” les adjectifs ne manquent pas pour qualifier ce “système exemplaire”. Tellement “exemplaire”, que les bogotanos qui ont les moyens financiers privilégient le véhicule particulier ou le taxi, plutôt que de mettre un pied dans les stations de TransMilenio. Les autres devront bien s’accrocher aux barres, car les nids de poules sont nombreux.

    Les propositions
Peñalosa, soutenu par l’ancien président Alvaro Uribe, suffoque 10 points derrière l’ancien candidat à la présidentielle, Gustavo Petro. Petro, ancien député du Polo Democrático Alternativo – parti du maire sortant – décide de fonder son propre mouvement début 2011, le mouvement progressiste. Jeune et dynamique, il est depuis la présidentielle la figure centrale de l’opposition ; une figure qui plait à Bogotá, ville ancrée à gauche depuis 1990.
Gustavo Petro (www.http://edunewscolombia.com)
Ses propositions sur la mobilité séduisent l’électorat de la capitale : construction d’un métro qui réduirait la ségrégation sociale et désenclaverait les quartiers marginaux ; des tarifs préférentiels pour les étudiants et les familles défavorisées ; et une participation accrue des citoyens dans la mobilité. Peñalosa, de son côté, martèle que la solution se trouve dans le TransMilenio et les pistes cyclables.
Cependant, les propositions sur la sécurité (première préoccupation des bogotanos) de Peñalosa/Uribe, attirent l’électorat fatigué de la violence urbaine.
On aura retenu qu’en Colombie les sondages ne sont pas une source fiable (ils donnaient Mockus vainqueur de la présidentielle, alors que Santos sortit gagnant haut la main).
Mais avant dimanche, les bogotanos auront largement le temps de choisir leur candidat dans les interminables embouteillages du vendredi soir.